Osaka se traine la sale réputation d’être une ville industrielle où il n’y a rien à faire et rien à voir. Depuis 2012, Angelo Di Genova propose de faire découvrir sa cité d’adoption lors de safaris photos afin d’en révéler les secrets et de casser les préjugés à son sujet. J’ai eu l’occasion de participer à l’une de ces journées et l’expérience fut pour le moins passionnante et très enrichissante.
La ville « industrielle » mal-aimée
Au départ, cela peut sembler être une perte de temps de vouloir s’attarder sur cette ville. En effet, pour beaucoup, Osaka n’a tout simplement aucun intérêt. Elle est souvent réduite à « la ville industrielle et son château en béton avec ascenseur » par des gens qui n’y ont pourtant jamais mis les pieds. Il n’y a pourtant que 40 kilomètres entre Osaka et Kyoto, et bien que le trajet se fasse en 30 minutes (avec la JR), il ne semble plus y avoir beaucoup de place pour la capitale du Kansai dans l’esprit collectif. Même les guides sur le Japon, théoriquement bien renseignés, ne lui portent pas beaucoup plus d’intérêt en ne lui accordant qu’un espace ridicule face au mastodonte Kyotoïte.
J’habite moi-même à Osaka depuis un an et demi maintenant (car ma femme y résidait) et au départ, je dois dire que j’étais moyennement emballé par cette ville, probablement trop grande pour moi. Je connaissais tout de même certains de ses attraits comme Shinsekai, Dotonbori, le Kaiyukan, le Sky Building, Universal Studios Japan, etc… mais bien que ce que j’avais visité m’avait plu, il m’a vraisemblablement manqué un petit quelque chose pour vraiment les apprécier. En dehors de ça, je ne ressentais pas l’envie de la découvrir plus en profondeur car il faut dire aussi que j’étais bien occupé avec Kyoto où je me rendais tous les jours pour mes cours de japonais, et que j’explorais une fois ceux-ci terminés. Mais ça, c’était avant ! (met des lunettes)
Le pari fou d’Angelo
Alors avec tout ce qu’on entend de négatif sur Osaka , comment pourrait-on imaginer une seconde que quelqu’un se mette en tête de la faire découvrir aux visiteurs francophones de la région ? Cela parait en effet fou sur le papier, et c’est bien ce que les amis d’Angelo di Genova lui ont dit quand il a commencé à plancher sur cette idée insensée. Mais Osaka, Angelo y vit depuis quelques années et après l’avoir parcourue de fond en comble, il a bien compris que la 3ème ville du pays était plus qu’un château soit-disant sans âme et qu’elle regorgeait d’endroits à l’ambiance inimitable. Définitivement convaincu par son potentiel, il se lance dans l’aventure en créant les Osaka Safari, déclinaison du concept de balade photogénique à Tokyo imaginé par David Michaud, photographe et auteur de livres sur le pays du soleil levant.
Et parce que le Japon se relevait à peine de la catastrophe de Fukushima et que le tourisme était fortement en berne, il a véritablement fallu à ce gars là une « paire de couilles » au moins aussi grosses que celles des tanukis pour croire en ce projet à ce moment là, alors qu’il aurait été plus simple de s’intéresser à Kyoto, comme tout le monde. Mais Osaka est devenue avec le temps sa ville adoptive, sa ville de cœur, celle à qui il était temps de redorer le blason. Et c’est clair qu’elle en a sous le pied la petite ! Et une journée avec Angelo suffit à être convaincu qu’Osaka est une ville fantastique, authentique, généreuse et conviviale.
Mon expérience Osaka Safari
J’ai donc pu me joindre à un des Osaka Safari d’Angelo pour me faire une idée du déroulement d’une journée et pour voir si c’est quelque chose qui pourrait me convenir quand les Kyoto Safari n’étaient encore qu’au stade de projet. Ce fut passionnant et le temps fila a une vitesse, mais ce fut indéniablement riche en découverte. Après ça, j’ai compris ce qui faisait l’intérêt de ces safaris, pourquoi ça vaut vraiment le coup. On apprend beaucoup de choses, même si l’on vit déjà soit-même au Japon, on optimise son temps ce qui permet de voir plus d’endroits, et on se sent privilégié au contact de locaux qu’Angelo connait très bien.
La première grosse différence avec une visite guidée, c’est que le programme n’est pas pré-établi. Celui-ci est défini en direct en fonction des souhaits des voyageurs, et devant la bonne humeur et la confiance en soi affichées par Angelo pour répondre à nos attentes, on sait que la journée ne sera pas ordinaire. Il connait Osaka comme sa poche, probablement mieux que la plupart des habitants, et ça se ressent. Ce n’est pas pour rien qu’il commence à être surnommé Mr Osaka sur les réseaux sociaux, c’est LE spécialiste français de la capitale du Kansai !
Je ne vais pas trop rentrer dans le détail de la journée, et encore moins nommer les différents lieux visités par respect pour son travail, mais ce qu’il faut savoir c’est qu’au fur et à mesure des visites, le constat devenait de plus en plus limpide. Osaka, c’est vraiment excellent ! En fait, je crois que tous ceux qui font un safari ont un point commun, ils adorent Osaka qui devient du coup une de leurs villes préférées de l’archipel !
Et c’est parti !
Si Osaka est une ville moderne par bien des aspects, elle a gardé de nombreux quartiers plus populaires, comme restés bloqués dans une autre époque. Angelo les connait bien, et c’est par un petit marché bien caché, hors du temps, que l’expérience commença. Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas de juste se rendre à un endroit et de prendre quelques clichés du genre intrusif. Les marchands le connaissent bien et en quelques instants, on se retrouve à interagir avec les eux, à discuter et parfois à recevoir quelques petits trucs à goûter par ci par là. Une sorte d’intégration éclair rendue possible uniquement par la présence d’Angelo. J’aurai pu tomber par hasard sur cet endroit mais je ne l’aurai pas ressenti ni vécu de la même manière. On m’aurait peut-être regardé bizarrement du coin de l’œil. « Qu’est-ce qu’il viens faire là le gaijin (l’étranger) … ? »
Au détour d’une des nombreuses conversations de la journée, alors que je ne sais pas où nous nous rendons, Angelo nous dit de regarder sur la droite, comme si de rien n’était. Et là, je me retrouve nez à nez avec une énorme tête de lion qui est en fait un petit sanctuaire shintoïste. La surprise est presque totale puisque je connaissais son existence, mais je ne m’étais jamais rendu sur les lieux. Bien sûr il n’y a personne, aucun touriste, et c’est vraiment surprenant qu’un tel lieu puisse exister quand on est habitué à en voir des tonnes à Kyoto (par exemple) et que tous partagent une certaine ressemblance architecturale. C’est le contre-pied total de ce que l’on s’attend à voir d’un lieu de culte au Japon. Osaka est décidément une ville pleine de surprises où l’on ne fait vraiment rien comme ailleurs.
Dans un autre style, l’expérience se reproduira dans un temple bouddhiste dans un mélange ancien/moderne/design des plus étonnant. J’ai beau avoir vu des tonnes de temples et sanctuaires somptueux à Kyoto, une certaine monotonie peut s’installer mais ceux-ci sortent tellement du lot qu’ils valent vraiment le détour. J’aime l’originalité et je ne peux que dire que j’ai été servi sur ce point.
Petite pause
Petit détour à quelques stations de train pour aller se remplir l’estomac avec un très bon Okonomiyaki (galette de légumes, spécialité d’Osaka) à faire nous même. Angelo m’explique comment les gens d’Osaka le découpent et le mangent et je découvre qu’il est également possible d’y ajouter de la moutarde. Un peu trop relevé pour moi, je me contenterai de la version standard 😉
Et on y retourne !
Nous voilà maintenant dans un quartier un peu plus connu, dans lequel je m’étais déjà rendu par le passé avec ma femme, mais que je n’avais pas plus exploré que ça car nous allions en réalité au Spa World voisin, le bien nommé Shinsekai. L’ambiance est vraiment incroyable, même en journée (le top c’est vraiment en soirée). Les enseignes sont hyper colorées, c’est un peu kitsch mais c’est justement cette aspect qui le rend assez unique et aussi plaisant. Ça respire la bonne ambiance comme la bonne bouffe. C’est principalement l’odeur des kushikatsu (brochettes panées, l’une des nombreuses spécialité d’Osaka) qui envahi le quartier, il n’y a presque que ça ici !
Avec Angelo, nous nous enfonçons un peu plus loin et au fur et à mesure de ses anecdotes, on découvre encore une fois un Japon plus authentique, plus humain, fait de joueurs de shogi et de vieux restaurants où l’on s’entasse à seulement 4-5 personnes. L’ambiance est vraiment excellente et même si en habitant Osaka j’aurai l’occasion de revenir, je profite de chaque instant ici. Il n’y a pas à dire, j’avais beau y être déjà venu, je n’avais finalement pas vu grand chose. Ce qui me pousse à dire qu’il ne suffit pas de connaître l’adresse pour saisir l’âme d’un lieu.
L’horloge a déjà bien tourné mais la journée réserve encore quelques jolis endroits à voir grâce aux petits secrets d’Angelo, à commencer par cette vue sur la ville vraiment saisissante. Les nuages présents ce jour là ont donné un contraste d’ombres et de lumières très joli et très intéressant. Sur ma photo, j’ai même l’impression qu’ils formaient un gros canard en colère, je sais pas si vous le verrez aussi !
Bilan
La journée est passée vraiment très vite et fut passionnante du début jusqu’à la fin. On a vu des tonnes de choses sans jamais avoir l’impression d’avoir couru. On se laisse porter, on en prend plein les yeux et on apprend énormément au fil des discussions avec Angelo qui maitrise vraiment son sujet. Plus qu’une visite, c’est aussi une rencontre, celle d’un expatrié passionné qui tient à partager son expérience avec nous. Il tient à nous montrer la véritable image d’Osaka comme celle du Japon, sans langue de bois, avec les bons et parfois les mauvais côtés. On sent que la démarche est vraiment sincère et du coup, les échanges se font automatiquement et naturellement.
Aujourd’hui mon regard sur Osaka a véritablement changé. Je ne dis pas que je ne la quitterai pour rien au monde mais je peux déjà dire que je la comprends beaucoup mieux. Non franchement, Osaka ça déchire 🙂 Et ça, c’est quelque chose que je ne me serai pas dit avant le safari, simplement par méconnaissance de la ville.
Moderne et populaire, mais aussi parfois un peu kitsch, Osaka est une ville vivante qui ne ressemble à aucune autre. C’est définitivement une destination de choix si vous prévoyez un voyage au Japon et pour mieux l’apprécier, je ne peux que vous recommander de le faire avec Angelo. Vous ne ressentirez clairement pas la ville de la même façon sans lui. Faire un Osaka Safari, c’est l’assurance de passer une excellente journée, et à la fin de celle-ci, vous adorerez Osaka, tout simplement 😉 Alors oui, c’est un investissement, mais on y gagne tellement sur tous les tableaux qu’à la fin de la journée (et même avant en fait), on sait pourquoi ça vaut le coup de le réaliser.
Vous pouvez vraiment y aller les yeux fermés, bien qu’il soit tout de même plus judicieux de les ouvrir afin de mieux en profiter :p